De la peinture à la navigation et vice versa…

Passions

Faire partager mes passions de la peinture et de la navigation à voile, c’est d’abord
expliquer que je suis heureux en mer et qu’une fois revenu à terre, dans l’intimité de
l’atelier, la peinture me permet de retrouver ces instants de bonheur, où je suis en
osmose avec mon bateau qui taille sa route, avec les couleurs du ciel et de l’océan, du
nouveau continent, de la nouvelle île à découvrir, et dont j’essaierai de retrouver
l’émotion pour la traduire du bout de mon pinceau.
Courir la mer pour vingt ou trente jours permet de retrouver le temps véritable, celui
que le rythme effréné de la vie moderne nous interdit d’adopter, le tempo donné par
la mer et le vent commande le rythme des jours. Le terrien devenu marin peut laisser
sur le quai, montre, carnet de rendez-vous, horaires, et autres obligations, toutes
choses qui nous paraissent si importantes à terre, deviennent dérisoires quand la
côte s’estompe.

Désormais et pour toute la durée de la traversée, l’action du navigateur sera de composer avec les éléments pour mener son navire vers le but à atteindre, ce nouveau port, ce petit point de l’autre côté de l’océan. Chaque jour sur le grand routier, le point de midi à la méridienne, aujourd’hui le GPS, nous donne la distance parcourue, ce sera 175 milles, 140, 160 peu importe.

L’ennui en mer n’existe pas, il y a les tâches quotidiennes, le rythme des quarts, la cuisine, la lecture, la marche du bateau, le réglage des voiles. Chaque levé du soleil, la mer nous fixe ce que sera son humeur pour la journée, un jour indolente et endormie, le lendemain puissante et échevelée, souvent prévenante, rarement agressive, il faut sans cesse composer avec elle mais c’est la seule contrepartie à la maxime «  homme libre toujours tu chériras la mer » ……

Pour un profane notre univers paraît se limiter au 360° de l’horizon, mais on y trouve une merveilleuse intimité, la radio nous permet d’écouter la fureur du monde mais sans la subir, il suffit de l’éteindre pour retrouver le chant des vagues. On ne fuit pas le monde, on le met simplement entre parenthèses.

 Chaque jour le ciel et la mer offre un festival sans cesse renouvelé de forme, de couleur et de bruit. La nuit la beauté du ciel invite à la métaphysique, à contempler la Croix du Sud. Le vertige vous prend devant l’immensité de la voûte étoilée. Le jour il faut se faire violence pour quitter le balcon avant, le regard se perd dans la vague d’étrave, le reflex fait défaut pour cadrer l’objectif sur la dernière acrobatie du dauphin.

 Il me reste à lire deux chapitres de Rouge Brésil mais, déjà ; sur l’océan, le vert jade clair remplace le bleu outremer foncé, les frégates oiseaux des côtes, remplacent les fous oiseaux du large. La longue houle se fait plus nerveuse. Je regagne la table à carte et songe à l’immense joie de Colomb qui, le premier, a dû comprendre à ces subtils changements de couleurs, la proximité d’une Terra Incognita, les Indes croyait-il.

La traversée se termine. Le temps a passé si vite.

Demain ou après-demain, imperceptiblement, l’Amérique du Sud s’élèvera de l’horizon. Nous y laisserons « Aquarelle », notre voilier, se reposer de sa longue chevauchée

 Je reprendrai  mes pinceaux, et ma soif de couleurs …….

22 ans après mon 1er voyage océanique, j’ai constaté la rapidité avec laquelle la vie marine se dégrade. Les déchets plastiques dérivent jusqu’au milieu de l’océan, les massifs coralliens disparaissent, et avec eux, poissons, tortues, mammifères. Il est désormais plus que probable que mes petits-enfants ne connaissent tout ce qui m’a émerveillé qu’à travers d’anciennes rétrospectives vidéos.

Nous pouvons contribuer à sauver la vie marine en limitant au strict indispensable, les plastiques jetables de nos achats.